Sur un air de Culture Pub : Padum-Cha…

Comme quoi rien n’est jamais perdu, nous revoilà sur le blog pour un petit post qui commence à dater. Replaçons le dans son contexte, nous sommes en plein mois d’Août dans les montagnes du Nord de l’Inde

Après une pause anniversaire à Padum (pour celles et ceux qui n’auraient pas lu l’article, c’est par ), nous débutons notre trek dans la Lungnak Valley. C’est une vallée en pleine mutation puisque qu’une route est en train d’y être construite pour relier Leh (capitale du Ladakh) à Manali (grande ville de l’Himachal-Pradesh). Cette route est surtout d’intérêt militaire mais également commercial, elle est, par la même occasion, la promesse d’un désenclavement et l’opportunité d’une ouverture au monde moderne. Avantage ou inconvénient ? Les avis restent partagés. Au gré des ans, la construction de cette route change le paysage mais réduit également le trek à une peau de chagrin. Traditionnellement, la randonnée commence dans un village qui s’appelle Raru et longe la rivière Tsarap pendant 2 jours avant d’atteindre Cha. La route avançant chaque année, notre programme s’avère donc quelque peu différent. Nous roulons en jeep pendant 2 heures sur cette nouvelle route  cahoteuse. Nous traversons les villages de Raru puis d’Itchar. Dans ce dernier village, nous nous posons le temps d’un repas chez notre guide Tsongpo durant lequel nous avons l’occasion de rencontrer sa famille. Les ladakhis nous semblent être des gens discrets, pudiques mais très généreux quand il s’agit d’hospitalité, c’est une des premières mais loin d’être la dernière fois que nous pouvons le constater. Nous nous retrouvons donc dans une maison typiquement ladakhie avec toute sa famille, découvrant une des spécialités de la vallée, le Tsang, la bière locale. Pas très forte en alcool, le goût de ferment est particulier. Nous reprenons ensuite la route pendant une petite heure, croisant régulièrement les népalais qui œuvrent pour sa construction, pour arriver à la fin de celle-ci, stoppée net par un éboulement de roche. Nous apprendrons plus tard que le mois dernier, plusieurs népalais sont morts dans une chute de pierre compromettant les travaux car les travailleurs népalais, apeurés par cet événement, ne veulent plus y travailler. Des locaux ont donc été recrutés pour la suite des opérations.

Après quelques discussions avec le guide et le taximan, nous partons avec nos sacs à dos en direction de notre première étape, Anmu. Pressés d’en découdre avec l’altitude et la marche, nous arrivons finalement 45 minutes plus tard dans un charmant petit village zanskari, composé du chemin bordé d’un côté par les maisons typiques, de l’autre par les champs verdoyants.

Pour mieux comprendre la vie dans la vallée, quelques explications s’imposent. Ici, nous entrons dans une zone montagnarde reculée, il n’y a pas de place pour le superflu ni l’oisiveté. L’été est consacré au travail en extérieur pour préparer l’hiver qui s’étend de Novembre à Avril. Les habitants de la vallée doivent donc se préparer au mieux pour vivre en autarcie pendant cette rude période de 4 à 5 mois. Les journées d’été sont donc bien remplies : entre autres, il faut remettre en état la maison pour lutter contre la neige, faire des stocks de nourriture pour le bétail et pour les hommes durant l’hiver. L’hyperactivité estivale permet de compenser la langueur hivernale imposée par la neige : l’occasion de passer du temps en famille ou avec des voisins, à manger ensemble et surtout à boire leurs 3 boissons locales favorites : le classique thé indien au lait sucré appelé Chai, le Tsang (bière locale pour ceux qui n’auraient pas suivi) et le non moins fameux Butter tea (découvert à Padum). Les hommes vivent, en quelque sorte, ici, un peu comme les marmottes (sans connotation péjorative car ils sont TRES loin d’être fainéants, il faut les voir s’activer du matin au soir pour le croire), travaillant l’été pour pouvoir hiberner l’hiver.

Dans un village zanskari, les maisons sont souvent grandes, avec plusieurs pièces, chacune d’elles ayant un rôle précis. Le rez-de-chaussée sert pour rentrer le bétail l’hiver. Le toit est plat, recouvert d’herbe séchée ramassée au fur et à mesure de l’été qui servira comme nourriture pour le bétail l’hiver. S’amassent également sur le toit des bouses de vaches ou de yaks séchées qui serviront de combustible pour la cuisine et le chauffage durant l’hiver. Une pièce principale à l’étage, très lumineuse grâce à des grandes fenêtres sert de salle à manger, cuisine, pièce de vie indispensable pour la famille. On vit à même le sol, sur des tapis ou des nattes qui servent à tout et tous (repos, manger, dormir). D’autres pièces peuvent compléter le décor : une chambre pour les invités au cas où quelqu’un débarque à l’improviste (ce qui fut souvent notre cas) ; parfois une chambre pour le couple de parents, les latrines qui sont en fait des toilettes sèches composées d’un trou (à l’étage du dessous les déjections sont récupérer pour servir d’engrais), une pièce pour stocker la nourriture et une petite pièce « sacrée » où chaque jour les membres de la famille effectuent leur puja (équivalent très grossièrement d’une messe) matin et soir pour prier Bouddha et lui apporter quelques offrandes (eau, céréales, beurre…). Bien évidemment, la maison ne possède pas d’électricité, simplement un ou deux panneaux solaires qui permettent de profiter de quelques heures le soir de la lumière, mais aussi parfois de la télévision ou la radio, le luxe! L’eau courante, quant à elle, se trouve au ruisseau. En contrebas des maisons, des champs cultivés verdoyants  où l’on cultive de l’orge, des petites pois, des pommes de terres, et quelques autres légumes. Au milieu des champs quelques dzos (croisement entre une vache et un yak) paissent tranquillement avec leur petit veau.

Nous sommes accueillis à Anmu par la nièce de l’organisateur de notre trek (pour simplifier, la nièce comme l’oncle s’appellent Lobsang). L’accueil se fait, comme la tradition le veut, avec un Katak (écharpe de soie ou tissu synthétique marqués de quelques mantras, symboles bouddhiques servant à la méditation). L’écharpe est mise autour du cou pendant que la personne qui la reçoit, joint ses mains et s’incline pour la recevoir. Nous sommes profondément touchés par ce geste de respect. C’est pour nous, le premier jour d’une rencontre familiale extraordinaire dans la vallée du Zanskar. La famille qui nous accueille est celle du frère de Lobsang. Le père est agriculteur avec sa femme, mais actuellement il travaille à construire la route, ce qui permet d’apporter une autre source de revenus. Ce sont des vrais travailleurs de la terre, ils ont le visage tanné par le soleil, les rides autour de la bouche quand ils sourient, les plis au coin des yeux nous gratifiant de leur regard bienveillant. Leur faciès à l’expression paisible ressemble plus celui des népalais ou des tibétains qu’à celui des indiens de New-Delhi. Enfin, ils ont la peau sur les muscles car leur corps est toujours en mouvement, pas de place pour un tissu adipeux ici ! Ils ont une force incroyable pour leur âge. Elle, porte sur son dos, des ballots d’herbe plus gros qu’elle. Lui, travaille sur la nouvelle route qui est à 45 minutes de marche de 8h du matin à 17h du soir mais se lève aux aurores et fini son travail au coucher du soleil pour construire sa maison. Ils ont eu ensemble 7 enfants. Durant notre séjour nous n’en verrons que 3. En effet, la vie dans la vallée est dure, l’hiver est rude, les infrastructures publiques sont peu nombreuses (école, hôpital, transport). Les parents aspirant au mieux pour leurs progénitures ne souhaitent qu’une chose, qu’ils soient en bonne santé et bien éduqués. Cela implique, par conséquent, qu’ils partent de la vallée au plus vite pour « une vie meilleure » ou en tout cas, un futur plus prometteur. C’est pourquoi, il est extrêmement fréquent, s’ils le peuvent financièrement, que les parents envoient leur enfants dès le plus jeune âge (autour de 7 ans), dans un internat ou chez un autre membre de la famille dans une grande ville. Dans le même état d’esprit, la religion bouddhiste fait parti intégrante de la vie de la vallée. Ainsi, il est de tradition que sur tous les enfants qu’une famille aura, au moins un devienne moine. C’est un choix, avant tout, parental, puisque l’école monacale commence dès 5 ans. On assiste donc doucement mais sûrement à une fuite des campagnes vers la ville. Cette famille est un bon reflet de l’époque. Sur 7 enfants, 3 sont placés chez leurs oncles ou tantes dans des villes pour aller dans « de bonnes écoles urbaines », 2 sont placés dans un monastère pour devenir moine ou nonne et 2 vivent chez leur parents pour aider à la maison.

Nous passerons 2 jours à Anmu, durée qui nous aura permis de mieux comprendre leur quotidien, la rudesse de la vie dans la vallée, mais aussi et surtout l’esprit de cette vallée. Ici, l’individualisme n’a pas sa place, c’est une question de survie. La famille est au cœur de la vie (parfois les grands parents, les parents et les enfants vivent dans la même maison), les voisins sont presque la famille et toute personne qui est dans le besoin peut venir, il y aura toujours une place pour se chauffer, dormir et manger. Au début, nous sommes un peu gênés de cette attitude qui est totalement à l’opposé de notre culture, gênés de cette extrême générosité malgré leur « pauvreté » (pécuniaire) sans l’attente du moindre retour. Quel bel exemple nous donne cette famille et cette vallée de générosité, d’hospitalité, juste une belle leçon de vie…

Avec eux, c’est l’occasion de poursuivre notre découverte culinaire indienne. Une ribambelle de plats à n’en plus finir. Au menu du matin, chai (thé lacté sucré) ou butter tea (pour les estomacs accrochés), chiapatis (galettes de farine et d’eau, cuite à la poêle) et pour nous occidentaux du miel, de la confiture. Au déjeuner, des dals (lentilles (orange, marron, verte, jaune cela dépend des jours) cuites dans une sauce plus ou moins épicée), des légumes frits plus ou moins en sauce avec des paranthas (chiapatis garnis de pomme de terre puis frits). Au dîner les légumes frits avec des drogis (petit pain cuit vapeur à base de farine et d’eau, une sorte de coupe faim efficace) ou sinon notre plat préféré local : les fameux Momos (sortes de raviolis à la farine de riz, cuits vapeurs garnis de légumes, de pomme de terre ou encore de viande de mouton ou de poulet). Au dessert, un peu de yaourt maison : le curd (sorte de faisselle un peu rance à base de lait de yak, délicieux avec beaucoup de sucre). Enfin pour finir en beauté, le fameux butter tea. Cette boisson chaude dont les locaux boivent à peu près 10-15 tasses par jour. Malgré notre curiosité et notre très bonne tolérance culinaire, nous n’avons pas pu en finir un seul. Or le réel problème est qu’ils boivent cela comme un verre d’eau, c’est à dire tout le temps !!! Heureusement, les zanskaris comprennent notre difficulté avec cette boisson et régulièrement proposent poliment mais n’insiste pas !

Parmi nos meilleurs souvenirs de ce village : la cueillette des petits pois dans les champs, au soleil, dans un calme apaisant avec comme seul bruit de fond, le torrent de la Tsarap en contrebas parfois couvert par le meuglement d’un veau qui cherche sa mère. Nous nous asseyons à même le sol, récoltant les gousses par poignées entières, en discutant et rigolant avec les filles. Nous nous souviendrons également longtemps de notre dernière soirée à partager avec les femmes des danses traditionnelles ladakhies, à faire rire toute la famille amusée de voir 2 étrangers s’essayer aux rythmes locaux. Le soir, nous retrouvions notre chambre douillette (la soit-disant « chambre des invités ») pendant que toute la famille dort ensemble dans la salle pour nous réveiller au petit matin avec une magnifique vue sur la vallée, les champs et nos hôtes qui s’activent déjà aux tâches d’une nouvelle journée d’été.

 Nous quittons donc un peu triste notre famille d’accueil des 2 derniers jours pour poursuivre notre « baby trek » (surnommé ainsi car nous nous attendions à devoir marcher beaucoup plus) accompagnées de nos guides. Après 2 heures de marche, nous apercevons Zamthang, le village où nous passerons 15 jours au nom de l’association « Santé-Zanskar-Himalaya » afin de réaliser une mission d’évaluation. Mais avant de se poser dans ce village, nous poursuivons notre route vers une autre merveille de la vallée, le monastère de Phuktal Gompa.

Après 2h30 de marche supplémentaire à flanc de montagne sur un chemin étroit laissant la place à une seule personne, nous arrivons en ce lieu magique. Ce monastère est, en effet, situé dans une grotte immense, comme miraculeusement accroché à la paroi montagne. Nous sommes accueillis par un autre frère de Lobsang, moine dans le monastère. Nous aurons donc l’honneur de vivre le temps d’une journée et d’une nuit au sein du monastère, logés dans sa chambre. A notre arrivée, nous sommes accueillis par ce moine avec un traditionnel chai, puis nous sommes rapidement rattrapés par les activités monastiques. Vers 15h30, c’est l’heure de la puja, nous le suivons donc et assistons à cet événement pluri-quotidien.Ensuite, notre moine-hôte nous fait une visite guidée du monastère, explorant chaque temple et même la chambre réservée à sa sainteté le Dalaï-lama. Nous finirons la journée dans la chambre le temps de préparer et profiter du dîner, une soirée très écourtée pour Simon épuisé par l’apparition de nouveaux troubles digestifs indiens.

Le lendemain, nous migrons avec regret vers le village de l’autre coté de la rive, appelé Yugar. Nous repartons du monastère avec le sentiment d’avoir pu vivre quelque chose d’exceptionnel, vivre le temps d’une journée avec un moine bouddhiste, au plus près de la vie de ce lieu empreint de spiritualité. Mais, notre sentiment de regret est vite balayé par l’accueil que nous réserve notre prochaine hôte, une des sœurs de Lobsang. Cette rencontre ressemble un peu à celle de la famille d’Anmu.

Nous passerons simplement une nuit dans ce village avant de retourner à Zamthang pour entamer notre mission d’évaluation d’une dizaine de jours : l’occasion pour nous de se poser un peu et de retrouver un semblant de vie quotidienne. C’est un tout petit hameau constitué d’une maison et l’école créée par les associations française et indienne. Cette école à pour but de former des enfants à la médecine Amchi ou Sowarigpa (la médecine tibétaine). C’est une science reconnue depuis des centaines d’années qui est pratiquée dans la région himalayenne. Lobsang, à l’origine du projet, s’est aperçu que les enfants quittant la vallée pour aller à l’école en ville ne revenaient que rarement pour y travailler. Cette médecine basée sur la transmission orale et familiale, de générations en générations pourrait alors vite disparaître. Le projet est donc d’enseigner cette science aux enfants de la vallée pour préserver cette tradition et ce savoir d’une grande richesse. Nous sommes chargés, au nom de l’association française, d’évaluer le projet un an après l’ouverture de l’école. Notre rythme quotidien est plutôt tranquille, et surtout nous avons des hôtes au petit soin pour nous. Malgré les cours, 2 des élèves (Palmo et Nawang) veillent sur nous avec tellement d’attention que cela nous met parfois mal à l’aise. Nous vivons leur quotidien dans cette petite école et partageons beaucoup de discussions. Elles nous montrent comment cuisiner quelques plats indiens, en échange, nous leur apprenons quelques jeux pour égayer les soirées. Rires garantis…

Durant la journée, nous poursuivons notre mission, nous baladant dans les environs à la recherche de pétroglyphes (gravures anciennes), nous rendant de temps à autre dans le village de l’autre coté de la rive, situé à 20 minutes de marche de grimpette ardue. Le village est plus grand et plus peuplé et le ruisseau est idéal pour y faire notre lessive, ce qui ne manque pas d’étonner plus d’un zanskari à nous voir les imiter, les mains dans le ruisseau glacé et déposer nos vêtements à sécher sur les pierres. Nous continuons de voir l’extrême générosité et le sens de l’accueil de tous ces zanskaris : le moindre renseignement demandé pour notre enquête, nous donne l’occasion d’être invités dans une maison à boire un Chai. Si c’est l’heure de midi, un repas nous attend. Encore une leçon d’humilité qu’on tâchera d’imiter plus souvent à notre retour.

Après nos 10 jours passés au sein de l’école, notre trek va finalement commencer (aux environs du 26 août pour resituer un peu les dates). Et c’est avec beaucoup d’émotions et quelques larmes, que nous quittons notre très chères hôtesses de l’école de Zamthang avec lesquelles nous avons partagé tant de moments inoubliables.

 Les photos (que vous aviez peut être déjà vues mais vous en reprendriez bien une petite fois), c’est par ici.

PS : pour ceux qui n’auraient pas compris le titre de l’article, tapez dans votre moteur de recherche préféré, générique Culture Pub

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