Un peu plus près des étoiles…

La suite de notre aventure nous emmène dans l’état du Jammu-et-Cachemire, plus précisément au Ladakh dans les montagnes de l’Himalaya indien. Pour y accéder, une heure d’avion suffit. Le nôtre est très matinal puisque nous décollons à 5h30 (ça pique un peu les yeux quand le réveil sonne à 3h pour entamer notre voyage). Mais ne nous plaignons pas (c’est pas notre genre), le vol est tout simplement magnifique, l’un des plus beaux que nous ayons vu. Nous arrivons au cœur de l’Himalaya après seulement 45 minutes de vol, les premiers sommets pointent le bout de leur nez, tantôt rocailleux, tantôt enneigés. Puis nous amorçons notre descente vers Leh, les villes sont entourées de vallées verdoyantes formées par les cultures au milieu desquelles serpentent des torrents bleu gris contrastant avec le rocailleux paysage teinté de rouge au jaune en passant par l’orange.

A Leh, nous abandonnons pour quelques temps notre mode routard. En effet, notre séjour dans la région a un double objectif, touristique d’une part – en faisant un trek d’une dizaine de jours, mais aussi associatif. Nous sommes chargés d’évaluer une école en cours de développement dans la vallée de Lungnak au Zanskar. Le président de l’association indienne (en partenariat avec l’association française) étant aussi le directeur d’une l’agence de trek, nous sommes pris en charge dès notre arrivée et pour toute la durée de notre séjour au Ladakh. Cela fait parfois du bien de ne pas avoir à tout organiser et planifier au jour le jour. Ainsi, dès notre arrivée à l’aéroport, notre guide Tsongpo nous attend avec une belle pancarte « Simon et Maure »  (Maure n’a pas pu venir, mais Laure la remplace…). Transfert à l’hôtel, repas, tout est organisé, nous n’avons qu’à profiter et nous reposer… Et nous reposer, c’est indispensable car à 3500 m d’altitude, même une petite balade peut nous s’avérer fatiguante !!!

Leh est une ville au cœur des montagnes, dans la vallée de l’Indus (un des fleuves sacrés indien), elle se trouve non loin de la frontière Indo-Pakistano-Chinoise et fait donc l’objet d’une bonne protection militaire. D’un point de vue climatique, fini la chaleur étouffante de Delhi, ici, l’air est frais le matin et la température agréable l’après-midi. L’atmosphère de la ville est toute autre qu’à la capitale : nous sommes arrivés dans un autre pays. Le peuple ladakhi est discret, moins curieux, presque timide, moins arnaqueur. Les faciès changent -on se sent plus près du Tibet que de l’Inde- les vêtements changent et enfin, la religion change. Nous sommes arrivés en pleins pays bouddhiste et nous ressentons instantanément le calme et l’apaisement qu’il dégage.

Nous resterons au total 3 jours à Leh, le temps pour nous de visiter les alentours mais aussi, élément indispensable pour la suite de notre périple, nous acclimater à l’altitude. En effet, le risque principal est de subir le mal des montagnes qui peut parfois -lorsqu’il est mal géré- se révéler fatal (oui, nous vivons dangereusement). Par chance, nous ne ressentirons que de petits signes anodins (fatigue, insomnie, essoufflement au moindre effort).

Notre première journée nous permet de nous remettre de notre réveil à 3 h du matin et de nous imprégner de l’atmosphère de cette ville assez prisée des touristes mais d’un type particulier – les trekkeurs. Nous flânons dans les ruelles et découvrons l’artisanat local.

Notre deuxième journée est mise à profit pour visiter les hauteurs de la ville et continuer notre acclimatation. Leh possède un magnifique palais en cours de restauration. Il s ‘agit d’un monument de 9 étages construit à flanc de montagne, résidence du roi du Ladakh à d’autres époques plus glorieuses. Il serait l’un des plus vieux palais avec autant d’étages et l’histoire dit qu’il aurait inspiré fortement l’architecture du Potola à Lhassa (Tibet). Il est vrai que la ressemblance est troublante. Depuis le toit, le point de vue magnifique sur la ville et la vallée. Fermez les yeux et imaginez vous : seul(es), sur le toit d’un palais vieux de plusieurs siècles, autour de vous, des montagnes hautes de 6000 m aux sommets enneigés et quelques nuages blancs qui s’accrochent aux pointes contrastant avec le bleu intense et infini du ciel himalayen. Plus proche de vous, des vallées rocailleuses couvrant la palette de couleurs du gris à l’orange, ponctuées d’étendues verdoyantes, témoin d’une irrigation et de la culture de la terre, reflet de la vie humaine qui survit dans cette nature hostile. En contre-bas, le fleuve Indus grisâtre serpente jusqu’au Pakistan drainant l’eau tout droit descendue des glaciers. Enfin au premier plan, la ville, ses ruelles modernes et passées, ses temples bouddhistes et ses shortens parsemés, mais aussi ses mosquées et leurs minarets, le tout au cœur d’une verdure ostentatoire, avec ses champs et ses arbres comme pour choquer dans ce paysage si sec et si désertique. L’eau, c’est la vie et la vie est bien là, même à 3500m d’altitude.

Nous finissons notre visite par notre premier temple bouddhiste, ses drapeaux de prières si typiques, mais aussi notre premier moine habillé de couleur bordeaux si caractéristique et enfin notre premier Maitreya (futur bouddha), statue de 8m de haut.

Notre dernière journée à Leh nous permet une visite des alentours, notamment des magnifiques monastères bouddhistes. Sur la route, nous découvrons Choglamsar, ville encore un peu dans l’agitation car jusqu’à la veille le Dalaï-Lama a enseigné ici. Nous sommes pris d’une petite émotion de savoir que sa sainteté était si proche sans que nous le sachions et regrettons un peu de l’avoir manqué.

Le premier monastère, Hemis Gompa est l’un des plus anciens de la région. Il est situé sur les hauteurs de la vallée, un peu isolé. Nous découvrons lentement, sûrement mais sans trop d’explication, la religion bouddhique. Les temples à l’intérieur du monastère s’enchaînent avec toujours (semble-t-il) les mêmes bases de décorations mais des variantes bien spécifiques et complexes pour des novices comme nous. On peut y voir des statuettes de divinités, de bouddhas, d’illustres personnages, des peintures murales codifiées, des bougies, des instruments de musiques, des livrets écrits en langue boddhique, le tout dans une ambiance tamisée, chaleureuse, feutrée, boisée. L’ensemble est magnifique, apaisant, imposant, mais suscite aussi pour nous un grand nombre de questions auxquelles notre guide ne sait pas répondre. Notre soif d’apprendre, de comprendre n’est pas du tout contentée alors nous essayons d’attraper quelques explications des autres guides au passage, en tendant une oreille indiscrète.

Le deuxième monastère, Thiksey Gompa est l’un des plus connus de la région. Une nouvelle fois, les codes de la religion nous échappent mais la structure est magnifique avec sa cour intérieure joliment décorée. Un imposant Bouddha doré de 12m de haut au regard bienveillant nous accueille dans l’un des temples du monastère. Le dernier monument est un palais proche de Leh, Shey Palace. Le monument ne reflète plus sa probable splendeur d’antan. Nous revenons à Leh impressionnés et conquis mais terriblement frustrés avec plus de questions que de réponses sur cette culture qui nous intrigue tant.

Sans transit-ion, juste avant notre départ de Leh, nous pouvons expérimenter les débuts du « transit indien ». En effet, malgré notre attention de tous les instants, nos intestins semblent mécontents. De quoi ? Nous ne saurons pas. Cela ne nous empêchera pas de poursuivre notre route vers Padum, le point de départ de notre trek. En effet, l’ivresse de l’altitude et des montagnes titillent Simon. Il est grand temps d’aller marcher un peu !!

Notre départ a lieu le 9 août au matin. Nous devons rallier Padum par la route. Bien que les 2 villes soient proches à vol d’oiseau, la seule route praticable pour le moment (une autre est en construction) nous oblige à faire un énorme détour soit 2 jours complets de jeep.

La première journée, nous longeons l’Indus. La route se révèle magnifique. Après avoir dépassé les camps militaires, nous arrivons dans un territoire plus sauvage mais toujours aussi aride. De la roche, de la roche, toujours de la roche, tombe directement dans le torrent boueux, grisâtre, de l’Indus qui court vers le Pakistan. La route est accidentée, en mauvaise état, avec beaucoup de trafic. Laure agonise (ou presque) couchée à l’arrière de la voiture ne profitant pas du tout du paysage, essayant surtout de gérer les nausées qui l’assaille. Nous effectuons une pause au milieu du parcours à Lamayuru, un des monastères importants et fameux du Ladakh. En effet, situé en pleine montagne, il est posé également sur un piton rocheux, tel un aigle posé sur la cime d’un arbre pour mieux regarder les environs et les vallées qui l’entourent. Non loin de là, se trouve une curiosité géologique, le Moonland, un paysage lunaire au milieu de la rocaille. En effet, alors que nous sommes au cœur de la montagne, un paysage sec, jaune avec des ravines creusées par l’érosion donne réellement l’impression d’être sur la lune. La route se poursuit par le passage d’un col à 4100m d’altitude pour finir à Kargil, dans une ambiance totalement différente. A quelques kilomètres seulement de la frontière pakistanaise, nous avons réellement l’impression d’avoir quitté l’Inde. Dans les rues, les femmes sont voilées, des hommes portent l’habit traditionnel musulman et la barbe. La soirée est rythmée par les muezzins qui par dizaines, depuis leurs minarets, se mettent à chanter mais tous en décalé les uns des autres dans un ensemble quelque peu cacophonique. Le fait de se trouver si près d’une frontière disputée ne nous rend pas très à l’aise, nous restons donc à l’hôtel avant de repartir le lendemain pour Padum.

Douze heures de voiture sur une route non goudronnée mais avec une vue encore plus époustouflante que la veille. En ligne de mire, les sommets jumeaux du Ladakh, le Nun et le Kun, respectivement 7135m et 7087m d’altitude. Leurs sommets enneigés donnent à Simon des rêves d’alpinisme et d’aventure. Nous sommes à 3500m d’altitude et ils semblent encore si hauts dans les cieux, un peu comme le Mont-Blanc depuis la vallée de Chamonix mais avec quelques mètres (ou plutôt milliers de mètres) d’altitude supplémentaires.

Une pause s’impose pour la visite d’un autre monastère à Rangdum. Situé sur un piton rocheux, au milieu d’une vallée plate dans laquelle courent plusieurs rivières, il nous donne l’impression d’un Mont Saint Michel à 3700m d’altitude.

La route monte progressivement pour atteindre un col à 4400m d’altitude. Nous continuons de battre des records sans le moindre effort !!! La vue depuis le col est impressionnante. A notre droite, un énorme et long glacier qui descend des cimes enneigées serpente entre 2 flancs de montagnes pour se jeter dans un lagon glaciaire et donner naissance à un nouveau torrent au fond de la vallée. En face de nous, le Zanskar débute avec quelques oasis de verdure à l’horizon, témoins de la présence humaine.

Nous découvrons aussi, pendant le trajet, une faune de montagne pas si loin de celle de nos Alpes préférées. Des « pias » courent le long de la route pour rejoindre leurs terriers, l’équivalent de nos marmottes mais plus grosses et plus poilues (l’hiver approche aussi). Nous apercevons aussi le peuple Drogsa. Un peuple de nomades qui vit surtout de l’élevage de bovins. Ici, le bovin c’est le yak, avec sa femelle, Drimo et son petit, Yako (OK, j’avoue, on connaît pas le nom du bébé du yak mais yakeau ça leur allait bien à ces mignonnes petites boules de poil) . Durant l’été, le peuple migre au gré des herbes vertes pour nourrir les animaux. Chaque matin, le bétail est libéré pour aller paître, et chaque soir, il est rabattu et dort près du camp nomade. Chaque jour, il y a 2 traites (matin et soir) qui permettent de fournir le lait utilisé pour la fabrication du beurre, mais aussi du fromage et du yaourt vendus dans les villages. La laine de yak aussi est exploitée pour sa qualité d’isolant thermique dans la fabrication de couvertures pour l’hiver, mais aussi de chaussettes et d’autres vêtements du quotidien. Nous ne pourrons rencontrer ces nomades mais nous les observons migrer ou garder le bétail durant cette journée de voiture.

Nous arrivons enfin à Padum, petite ville au milieu de nulle part. Aux portes de 2 vallées isolées (du fait de l’absence de route), elle a une position centrale. Nous nous posons à l’hôtel un peu abasourdis par cette journée à la fois hallucinante par ses paysages si beaux et si déserts, mais aussi fatigués par 12 heures d’une route chaotique et un par moment, un peu périlleuse.

 

Les photos, c’est par ici

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