Rendez-vous avec l’histoire

Vous attendiez tous la réponse avec impatience… Pourquoi tant de touristes dans les environs de Twyfelfontein ? Cette région est reconnue pour ses gravures et peintures rupestres datant de plusieurs milliers d’années, l’équivalent de la grotte de Lascaux chez nous. Ce lieu, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO possède l’une des plus importants concentrations de gravures sur roche en Afrique.
Cet art est attribué aux tribus San (plus connus sous le nom de Bushmen), peuple de chasseurs-cueilleurs nomades qui venaient chercher ici, de l’eau (Twyfelfontein signifiant « source douteuse ») et par voie de conséquence, des animaux à chasser, deux éléments essentiels à leur survie. Nous pouvons apercevoir plusieurs types de gravures : certaines représentent des animaux sauvages (girafes, rhinocéros, éléphants, springboks, kudus, autruches, babouins…), mais également la forme de leurs empreintes de pas respectives ou encore des motifs géométriques. Leurs rôles seraient (selon les interprétations) à la fois pédagogique (enseigner aux plus jeunes), cartographique (indiquer par exemple la position d’un point d’eau) mais aussi rituel avec des représentations de shamans (guérisseurs) qui lors de transes se métamorphosaient en animaux.

La visite d’environ une heure est faite par un guide local, une femme Damara (une autre des ethnies namibiennes) qui nous parle bien évidemment de la signification des gravures, mais aussi de sa langue, si particulière, puisqu’elle est composée, comme celle des San, de « clicks ». Nous sommes à la fois intrigués, curieux de ce langage si particulier et si typique d’Afrique australe. Ce langage s’avère bien étrange pour nous, l’utilisation de sa langue comme outil pour faire un click (sorte de claquement) se révèle très difficile, quasi-inimitable quand il s’agit d’associer ces clicks aux syllabes classiques. Il existe chez les Damara quatre clicks différents qui sont à l’écrit, représentés par différents symboles (« ! », « / », « // » …) . Chez les San (ou Bushmen), le nombre de clicks est plus important encore. Enfin, il faut savoir que chaque langue est très différente car un Bushmen et un Damara ne se comprennent pas et sont obligés de communiquer en afrikaner ou en anglais!!!

 Notre trajet se poursuit vers un autre site fameux, connu à la fois pour ses peintures sur roches mais aussi pour ses caractéristiques géologiques, le massif du Brandberg. Ce massif se voit de loin sur la route, puisqu’il est comme posé sur une immense plaine qui s’étend à perte de vue. Son sommet, situé à 2573 m environ, est le point culminant de la Namibie. Ce jour là, nous avons le temps puisque nous pouvons arriver au camp à 14h et nous espérons bien profiter de la piscine ainsi que de la magnifique vue sur le massif pour admirer le coucher de soleil. Malheureusement, les choses se gâtent… Alors que nous sommes sur la route du lodge, un bruit suspect puis quelqu’un qui nous fait des signes. Nous constatons que l’amortisseur arrière gauche, qui se manifestait depuis quelques jours par un bruit de vaisselle à l’arrière du véhicule, est cassé et traîne sur le sol. Nous restions prudents, mais les kilomètres et les lits de rivières ont eu raison de lui. Le moral un peu à plat et l’impression que la galère commence, nous nous retrouvons à Uis, petite ville au milieu de rien. Le seul garage référencé par notre agence de location, n’existe plus !! Heureusement, nous sommes en Afrique et comme nous a si bien dit un sud-africain : « In Africa, anything can happen » !! Après s’être renseigné auprès d’un employé de la station service et un coup de fil plus, nous voyons débarquer en moins de 5 minutes montre en main, dans son pick-up, notre futur garagiste : un Afrikaner de 55 ans en bleu de travail, moustache courte et cheveux en arrière, aux allures de Georges Clooney dans le film « O’Brother », la bedaine en plus. Avec lui sa femme et à l’arrière du pick-up, son « employé », un namibien local.

Verdict : la réparation peut se faire mais seulement le lendemain matin à son domicile. L’agence de location étant d’accord, nous fixons rendez-vous à « Georges » le lendemain chez lui. Pour la fonctionnalité de la voiture, pas de soucis, du moment que nous roulons lentement (80 selon lui, 60 selon sa femme). Nous repartons donc pour la camping, malheureusement, nous ne pourrons profiter ni de la vue, ni de la piscine, le temps a joué contre nous. Nous pourrons juste profiter d’un coucher de soleil avec un petit verre pour se consoler.

Le lendemain, nous divisons l’équipe des covoitureurs en 2 groupes : l’un pour s’occuper de la réparation de la voiture, l’autre pour tout de même profiter des lieux. Simon et Patrick partent à Uis chez « Georges » et le retrouvent dans sa cour qui fait office de garage. Avec lui, se trouve son fils, la trentaine, déjà un peu fatigué par la vie. Ils prennent alors conscience de se retrouver face à la Namibie profonde et qu’ils sont probablement chez un descendant d’un de ces farmers pionniers qui est venu d’Europe pour une vie meilleure… « Georges » nous a trouvé un amortisseur neuf de rechange qu’il faut aller acheter à 5 km de là. Simon part donc avec « Georges » et « Georges junior » dans le pick-up, chacun tenant à la main, une chopine allemande dans laquelle se trouve… du « Brandy ». Normal, c’est dimanche !!! A 5 km, une deuxième ville d’Uis, la banlieue, celle des noirs contraste avec l’autre Uis, celle des Afrikaners. En effet, le terrain étant plus cher, les noirs ne peuvent se loger dans la ville principale. Apparaît alors une réalité qui nous était complètement occultée durant le début de notre séjour. L’apartheid n’existe plus, fort heureusement, mais les inégalités sociales semblent rester bien présentes. La réparation se fait en dix minutes et la voiture est « comme neuve ». Prêts à repartir, le fils de Georges tient absolument à leur présenter un ami à lui. Après deux refus et devant son insistance, Simon et Patrick se sentent obligés de le rencontrer. Cet homme est d’origine belge, la cinquantaine, bedaine bien tendue, cheveux longs gras, poivre et sel. Il vit seul dans un maison en cours de réhabilitation. Sans emploi depuis la revente volontaire d’un hôtel dans le village, il vit de petits boulots et de vente de pierres semi-précieuses. Sa maison est un ensemble de pièces sans vie. Un billard comme table dans la salle à manger, sur laquelle sont posées des pierres de quartz, un bureau comme salon, une cuisine vide… L’homme est accueillant et probablement content de parler un peu français. Le fils de Georges voulait nous le présenter pour déguster ensemble des bières belges !! C’est dont parti pour une mini dégustation de bières belges,à 11h00 du matin, un dimanche. L’heure avançant et ne souhaitant pas éterniser cet instant, bien que très original et instructif, nos deux acolytes s’éclipsent afin de retrouver les filles au plus vite. Instant de vie, rencontres originales et insolites qui resterons dans nos mémoires comme une occasion d’entrer un peu plus dans la vie des Afrikaners. Les Afrikaners de Uis ne sont probablement pas le reflet de toute la Namibie. Cependant, il est vrai que ces instants semblent le reflet d’un état d’esprit sorti du passé qui laisse à penser que l’unicité du pays, au-delà de l’indépendance acquise récemment, n’est pas complètement établie. En effet, sur le trajet du retour de Uis-2, le fils de Georges sort une phrase qui ne passe pas inaperçue. Alors qu’il conduit avec sa chopine à la main, probablement un peu cotonneux de la première chopine ingurgitée à l’aller, il donne un coup de volant et klaxonne à chaque piéton noir qui marche sur le bord de route. Le piéton surpris sursaute de peur, ce qui le fait rire et lui vaut cette magnifique tirade : « It’s like animals ! Ah!ah!ah »……. De la même manière, leur « employé » noir qui se déplace à l’arrière du pick-up, semble être l’homme à tout faire de la maison et travaille 7 jours sur 7. Est-il payé ? On l’espère. Si oui, avec un salaire décent ? On l’espère également. D’un autre côté, ces Afrikaners, descendants de pionniers européens, ont leur vie, ici, en Namibie et la réalité financière semble dure aussi pour eux. Georges a été victime d’un accident de la route 2 mois plus tôt. Diagnostic : 3 fractures vertébrales qu’il ne peut pas soigner car il n’a pas suffisamment d’argent pour se la permettre. En effet, sa femme ayant subi une opération 1 mois auparavant, ne leur permet pas de pouvoir gérer une autre opération. Il reste donc avec ses 3 vertèbres cassées, sans traitement approprié… N’oublions pas les bienfaits de notre sécurité sociale !!

Laure et Petra, de leur côté, profitent d’une balade dans le massif du Brandberg, à la rencontre de la « White Lady », une peinture rupestre datant de plus de 2000 ans, excellemment conservée, l’une des plus réputées d’Afrique. Le décor de roche et de basalte offre un écrin particulièrement esthétique à ce joyau de l’art San. La « White Lady » tient son nom d’un abbé français, du nom de Breuil, ayant estimé qu’il s’agissait d’une femme crétoise peinte par un groupe de personnes venues du pourtour méditerranéen, et ce, malgré les attributs masculins largement visibles sur la peinture et la totale improbabilité de cette interprétation farfelue. En réalité, il s’agit bien d’une peinture San représentant un chaman (homme, la peinture ne laisse aucun doute la dessus) en état de transe. Autour de ce personnage central, dansent d’autres personnages ainsi que des animaux dont la précision des traits et la conservation des pigments laissent admiratifs. Un vrai bijou…

Nous repartons sur les routes namibiennes, contents d’avoir une nouvelle voiture. Notre prochaine destination : Spitzkoppe, un autre massif caractéristique avec des blocs de granit énormes formant des boules de pierre de taille hallucinante. Sur le trajet, nous captons pour la première fois la radio. Nous écoutons avec joie, la langue Damara et ses clicks et découvrons enfin la musique namibienne. Il ne manquait que cela pour être plongé pleinement dans ce pays. Notre arrivée dans le camping est magistrale. Il s’agit d’un immense camping au milieu du massif, étendu sur environ 5 kilomètres de long. Chaque emplacement est distant de 500 mètres de l’autre.


Malheureusement, alors que nous cherchons un emplacement tranquille, nous sommes victimes d’une nouvelle panne mécanique bloquant la voiture en plein milieu du « chemin ». Une fuite sur le liquide de transmission nous empêche de pouvoir passer les vitesses. Résultat : nous ne pouvons plus bouger la voiture. Qui dit panne, dit coup de téléphone à l’agence de location. Nous les recontactons donc une nouvelle fois afin d’organiser le dépannage. Pendant ce temps, gentiment, un voisin allemand tracte notre 4×4 de manière à pouvoir passer la nuit correctement et sans gêner le passage. Notre moral est de nouveau au plus bas car nous avions planifié une belle ballade le lendemain matin. Nous décidons de profiter tout de même de la soirée en regardant un spectacle de chant organisé pour un groupe de bénévoles anglais. Nous retrouvons le groupe de chants traditionnels à l’entrée du camping et nous dirigeons tous vers l’endroit de la représentation. Durant le trajet (qui se fait en voiture, vue la grandeur du camping et parce que tout se fait en voiture en Namibie – bien évidemment, il ne s’agit pas de NOTRE voiture restée coincée à l’autre bout du camping mais celle du manager, Alex), Laure, un enfant déposé dans les bras, et Petra à l’avant du pick-up avec Alex, Simon et Patrick à l’arrière du véhicule avec les chanteurs qui répètent sous une nuit étoilée. Pas un nuage, pas de lune ce soir, les montagnes en ombres chinoises, un nouvel instant magique…

Le lendemain se révèle beaucoup moins plaisant. Remorqué tôt le matin, nous nous dirigeons vers le garage le plus proche dans la ville d’Usakos. Nous traînons dans un café pour attendre le diagnostic et la réparation. Vers 12h, voiture réparée, petite fuite sur le liquide de transmission, on ne paie rien, on repart comme si de rien n’était. Le bilan n’est donc pas si catastrophique que cela, nous avons simplement perdu une demi-journée et espérons revenir dans ce lieu majestueux avant la fin du séjour pour en profiter pleinement.

Notre nouvelle direction : Swakopmund, ville anachronique dans ce pays africain. En effet, cette ville, située en bord de mer et aux portes du désert du Namib, a été créée de toute pièce par les allemands pendant la période coloniale pour concurrencer le grand port de Walis Bay des Anglais. Nous entrons donc dans une station balnéaire allemande en pleine Afrique australe. Les rues sont goudronnées, les maisons de style typiquement allemand. Nous oublions le temps d’un instant que quelques jours avant nous étions avec des femmes Himbas à parler de la confection de leur tenue en peau de chèvres !!

Nous nous accordons le soir même une petite folie, nous sortons au restaurant !!! Drôle d’ambiance : que des blancs aussi bien du coté clients que serveurs, pas un seul noir. Sur les murs, des photos d’époques, des affiches promotionnelles de la colonie, un drapeau de l’empire prussien et affiché sur un mur, une carte de l’Afrique pour le Wermarth… Historien? Nostalgique? Folklorique? Nous ne le saurons pas. Cela ne nous empêche pas de nous régaler de produits locaux. Peu d’aliments viennent de Namibie, le pays étant désertique, pratiquement tout est importé. Seul la viande reste un met local compte tenu du nombre de farmers qui vivent dans ce pays. La viande est excellente, goûtue, raffinée et pas chère puisque les bovins sont tous élevés dans les fermes, sans notion d’élevage intensif. Mais au menu, il n’y a pas seulement du bœuf mais également du gibier et ce soir, nous goûtons le springbok. En effet, il existe des quotats officiels de chasse dans les réserves qui permettent aux restaurants de servir de la viande de gibier sauvage. La viande se révèle d’une douceur et d’une tendresse déconcertante. Même les végétariens succomberaient !

Nous repartons de cette drôle de ville, dès le lendemain, pour un nouveau lieu mythique de la Namibie, ce lieu qui a décidé respectivement Laure et Patrick de leur virée dans ce pays surprenant…

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